
Je retrouve Apollinaire, Camerounais installé à Bruxelles depuis vingt ans, dans un salon de thé de Cureghem. Autour d’un café au lait, il raconte calmement :
« Dans mon pays, je représentais mon parti. Ma femme tenait une pâtisserie ; j’y ai mis les couleurs du parti. Peu après, la boutique a brûlé. Je ne sais pas qui l’a fait. Puis les mena-ces sont arrivées : Tu es contre le gouvernement, tu verras ! Alors je suis parti, en pensant trouver ici la sécurité et la dignité. »
Le rêve s’est vite brisé : sa demande d’asile a été refusée. « Malheureusement, je suis tombé dans le feu », dit-il simplement.
Depuis, Apollinaire vit sans papiers, sans droits. « On parle du travail au noir. Qui y gagne ? Ni l’État ni le travailleur ; seul le patron. Si nous étions régularisés, nous paierions des impôts, nous travaillerions légalement : ce serait gagnant-gagnant. »
Seize ans ont passé sans nouvelle campagne de régularisation. « À force de ne pas régulariser, on fabrique une société où des gens sont condamnés à survivre », souffle-t-il.
Vingt ans à Bruxelles sans soins réguliers, sans compte bancaire, sans formation reconnue, sans sécurité. Et pourtant, il tient bon :
« C’est l’espoir qui fait vivre. J’ai toujours cru que demain pouvait être meilleur qu’aujourd’hui. Tant qu’on vit, on continue de se battre. »
Depuis 2020, il prend la parole dans des écoles, des universités, des manifestations, des associations. « Souvent, aucun politicien n’est présent. Pourtant, ce sont eux qui décident qui vivra mieux ou moins bien. »
Alors son collectif a demandé à rencontrer le bourgmestre d’Anderlecht.
« Nous lui avons expliqué notre réalité. Et nous ferons de même avec toutes les autorités qui acceptent d’écouter. La solution est politique, les décisions doi-vent l’être aussi. », conclut-il.


